Arrêt des corticoïdes : pourquoi ne faut-il jamais stopper brutalement un traitement ?

Corticoïdes. Un homme assis au bord d'un lit
Les corticoïdes sont des médicaments puissants prescrits dans de nombreuses pathologies : maladies inflammatoires, asthme sévère, maladies auto-immunes, allergies graves… Leur efficacité n’est plus à démontrer, mais leur utilisation exige prudence et suivi médical strict. L’un des risques majeurs souvent méconnu par les patients est l’arrêt brutal du traitement, surtout lorsqu’il est pris depuis plusieurs semaines ou mois. Cette erreur peut provoquer une réaction grave de l’organisme : l’insuffisance surrénalienne aiguë. Dans cet article, nous verrons pourquoi il ne faut jamais interrompre un traitement corticoïde sans avis médical, quels sont les symptômes à surveiller et comment un sevrage progressif protège votre santé.

Comment fonctionne le cortisol dans le corps ?

Le cortisol est une hormone naturelle produite par les glandes surrénales (situées au-dessus des reins). Il joue un rôle important dans :

  • le métabolisme des sucres, graisses et protéines ;
  • le contrôle de la pression artérielle ;
  • la réponse immunitaire.

Les corticoïdes prescrits en traitement imitent le cortisol et agissent de manière beaucoup plus puissante pour réduire l’inflammation et moduler l’immunité.

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Que se passe-t-il quand on prend des corticoïdes pendant longtemps ?

Lorsque vous prenez des corticoïdes de façon prolongée (plusieurs semaines ou plus), votre corps s’habitue à recevoir une source extérieure de cortisol.

Conséquence :

  • les glandes surrénales ralentissent voire arrêtent leur propre production de cortisol (mécanisme de rétrocontrôle négatif) ;
  • cette adaptation est normale, mais rend l’organisme dépendant de l’apport médicamenteux.
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Discutez avec un médecin pour planifier un sevrage progressif et sans risque.

Pourquoi l’arrêt brutal est-il dangereux ?

Si vous stoppez votre traitement d’un seul coup, les glandes surrénales ne sont pas prêtes à reprendre immédiatement leur production normale de cortisol.

Cela entraîne un manque brutal de cortisol dans le sang, pouvant provoquer :

  • douleurs musculaires et articulaires ;
  • baisse de tension (hypotension) ;
  • dans les cas graves : choc surrénalien pouvant mettre la vie en danger.

Pendant la période de sevrage, en cas de fièvre > 38°C, infection sévère, chirurgie, traumatisme important, le corps a besoin de plus de cortisol. Le médecin peut alors :

  • augmenter temporairement la dose de corticoïdes
  • administrer une injection d’hydrocortisone en urgence si nécessaire.

Facteurs qui augmentent le risque

  • Durée du traitement > 3 semaines ;
  • dose quotidienne élevée (> 7,5 mg/j de prednisone équivalent) ;
  • réduction trop rapide de la dose ;
  • maladies chroniques affaiblissant l’organisme ;
  • stress physique important (chirurgie, infection, traumatisme) pendant ou juste après le traitement.
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Consultez un médecin en ligne pour éviter les complications.

Comment arrêter un traitement corticoïde en toute sécurité

Le sevrage progressif

La règle d’or : diminuer les doses progressivement sous supervision médicale. Cela permet :

  • de laisser le temps aux glandes surrénales de redémarrer leur production naturelle ;
  • de surveiller l’apparition de signes de manque
  • d’adapter le rythme de diminution en fonction de la tolérance du patient

Exemple de schéma de diminution

Selon le schéma du Groupe Français d’Étude des Vascularites (GFEV) ci-dessous :

  • tous les patients reçoivent le schéma suivant : prednisone à la dose initiale de 1mg/kilo/jour pendant 21 jours ;
  • puis la corticothérapie est diminuée de 5 mg par semaine jusqu'à la dose de 30 mg par jour ;
  • la dose de 30 mg est maintenue pendant 3 semaines puis la décroissance reprend par paliers de 2,5 mg tous les 5 jours jusqu'à atteindre 15 mg/jour ;  
  • à partir de 14 mg/j de prednisone, le patient diminue la corticothérapie de 1mg tous les 10 jours jusqu'à l'arrêt du traitement.
Bon à savoir : le schéma ci-dessous est indicatif. Chaque protocole est personnalisé par le médecin.


Jours

Durée

Dose (mg/j)

Total (mg) 
1 à 21   (3S)  60 1260
22 à 28   (1S)  55 385
28 à 34   (1S)  50 350
35 à 41   (1S)  45 315
42 à 48   (1S)  40 280
49 à 55   (1S)  35 245
56 à 76  (3S)  30 630
77 à 81   (5J)  27,5 137,5
82 à 86   (5J)  25 125
87 à 91   (5J)  22,5 112,5
92 à 96   (5J)  20 100
97 à 101   (5J)  17,5 87,5
102 à 106   (5J)  15 75
107 à 116   (10J)  14 140
117 à 126   (10J)  13 130
127 à 136   (10J)  12 120
137 à 146   (10J)  11 110
147 à 156   (10J)  10 100
157 à 166   (10J)  9 90
167 à 176   (10J)  8 80
177 à 186   (10J)  7 70
187 à 196   (10J)  6 60
197 à 206   (10J)  5 50
207 à 216   (10J)  4 40
217 à 226   (10J)  3 30
227 à 236  (10J)  2 20
237 à 246   (10J)  1 10

Source : Groupe Français d’Étude des Vascularites (GFEV)

Surveillance pendant le sevrage

  • Surveillance clinique : fatigue, douleurs, fièvre, baisse de tension
  • Parfois, tests biologiques pour vérifier la reprise de la production de cortisol (test au Synacthène)
  • Ajustement du rythme de réduction en fonction des symptômes.

Faut-il sevrer même les corticoïdes locaux ou inhalés ?

  • Crèmes et pommades : le risque est faible, sauf si utilisées sur de grandes surfaces ou sous occlusion prolongée.
  • Inhalateurs : le risque existe à forte dose ou utilisation prolongée.
  • Collyres : faible risque, mais à surveiller chez les personnes fragiles.
Bon à savoir : il faut toujours demander au médecin si un sevrage est nécessaire selon la forme utilisée.
Fatigue, malaise, douleurs après un arrêt de corticoïdes ?
Un médecin en téléconsultation peut vous aider à réagir rapidement.

Conseils pratiques pour un sevrage réussi

  1. Ne jamais décider seul de l’arrêt
  1. Respecter le plan de réduction donné par le médecin
  1. Informer tout professionnel de santé que vous prenez ou avez récemment pris des corticoïdes
  1. Surveiller les signes d’alerte
  1. Prévenir le médecin en cas de maladie ou chirurgie
  1. Porter une carte ou un bracelet médical indiquant que vous êtes sous corticothérapie (utile en cas d’urgence).

L’avis des experts de MédecinDirect

Les corticoïdes sont une arme thérapeutique extrêmement précieuse, mais qui doit être utilisée avec discernement et respect des règles de sécurité. L’une des règles fondamentales, souvent mal comprise par les patients, est qu’on ne doit jamais interrompre brutalement un traitement corticoïde prolongé.

Pourquoi ?

Lorsque l’on administre des corticoïdes sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois, l’organisme s’habitue à recevoir cette hormone de manière externe. Ce phénomène, que l’on appelle suppression de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, se traduit par une diminution progressive, voire un arrêt de la production naturelle de cortisol par les glandes surrénales.

Le cortisol est important : il régule notre pression artérielle, notre métabolisme, notre réponse immunitaire et notre capacité à réagir à un stress physique ou émotionnel. Si la production interne est coupée et que l’on stoppe l’apport externe du jour au lendemain, le corps se retrouve brutalement en déficit de cette hormone essentielle.

Les conséquences peuvent être dramatiques : fatigue intense, douleurs musculaires diffuses, hypotension sévère, troubles digestifs avec nausées et vomissements, et dans les cas les plus graves, un choc surrénalien pouvant entraîner un effondrement circulatoire et mettre la vie en danger.

Le rôle du médecin est donc double :

  1. Éduquer le patient dès le début du traitement, en expliquant clairement pourquoi un arrêt progressif est indispensable.
  1. Planifier un protocole de sevrage personnalisé tenant compte de la durée du traitement, de la dose administrée et de l’état de santé général du patient.

Le sevrage progressif est la seule méthode sûre pour laisser aux glandes surrénales le temps de redémarrer leur production naturelle de cortisol. La vitesse de réduction varie énormément d’un patient à l’autre : certains tolèrent une diminution rapide, d’autres nécessitent plusieurs mois pour se sevrer sans symptômes.

Pendant cette phase, la vigilance est de mise : un état fébrile, une infection ou une intervention chirurgicale peuvent nécessiter une réaugmentation temporaire de la dose. C’est un point important que les patients doivent connaître : en période de stress physiologique, les besoins en cortisol augmentent.

Enfin, il faut rappeler que le risque d’insuffisance surrénalienne n’est pas limité aux corticoïdes par voie orale. Des traitements inhalés à haute dose, des pommades puissantes appliquées sur de grandes surfaces, ou des infiltrations répétées peuvent également avoir un effet systémique.

Sources

- NHS : le lien

- Haute autorité de Santé : le lien

EN BREF
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