Le Mediator : pourquoi a-t-on su si tard ?

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Le Mediator : pourquoi a-t-on su si tard ?

Sommaire

Le Mediator : pourquoi a-t-on su si tard ?

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Pourquoi a-t-on su si tard ?
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Docteur, j'ai entendu que 500 personnes étaient mortes à cause du Médiator, et j'en ai pris pendant 1 an ! Que faire ?

L'affaire : Ces derniers jours, des informations très inquiétantes ont été diffusées concernant les atteintes cardiaques du Mediator ®, un an après l'arrêt de son utilisation. En reprenant toute l'histoire du Médiator ®, et en comparant les 500 décès annoncés aux 5 millions de personnes qui ont été traitées en 33 ans, on comprend mieux pourquoi les complications ont mis tant de temps à être connues.

Tout d'abord, quelles sont ces complications graves ?

Les valves atteintes (en fait la valve mitrale), sont fibreuses et rétractées, ce qui entraine des fuites et une surcharge de travail pour le ventricule gauche, qui éjecte le sang dans le reste de l'organisme; la dégradation de la fonction cardiaque qui en découle se fait sur plusieurs années, si on ne connait pas l'anomalie. Par contre les dysfonctionnements que l'on peut retrouver sur une échocardiographie faite pour d'autres motifs sont plus précoces. L'historique et les chiffres : 500 personnes, actuellement, ont donc eu des complications très graves puisque se terminant par un décès; cela représente une fréquence de 1 pour 10 000, et 3500 hospitalisations pour prise en charge de valvulopathies (1), donc 7 pour 10 000. Cette très faible fréquence, bien sûr inacceptable et qui a justifié le retrait, ne peut malheureusement pas commencer à apparaître avant un certain nombre de mois d'utilisation, devenant alors détectable, soit en raison de symptômes, soit lors d'un examen systématique. Ce sont donc surtout les personnes traitées assez longtemps, qui en tiraient peut-être un effet thérapeutique, qui ont développé une atteinte valvulaire.Ensuite, il ne suffit pas pour déclarer une molécule responsable, de constater la valvulopathie, car c'est une pathologie qui elle, est relativement fréquente. L'alerte se fait donc quand quelques cas sans autre cause trouvée sont déclarés à la pharmacovigilance. A ses débuts, la surveillance recherchait surtout des signes d'HTAP (hypertension artérielle pulmonaire), complication connue des précurseurs du Mediator ®; la molécule avait été modifiée pour éviter cette complication.En septembre 2007 : le dossier a été révisé, et l''indication comme "adjuvant du régime adapté dans les hypertriglycéridémies" est supprimée.En septembre 2008 : il est inscrit au tableau des génériquesEn octobre 2009 : la commercialisation de 2 génériques est autorisée.Et en novembre 2009

  • suite à des résultats d'études de suivi, suspension de l' AMM (autorisation de mise sur le marché) des spécialités contenant du benfluorex (MEDIATOR ® et ses génériques) en raison d'une balance bénéfice-risque jugée défavorable. En totale contradiction avec l'autorisation du mois précédent, il semblerait ici qu'il y ait eu une absence de synchronisation entre le dépouillage des résultats des études et la délivrance des AMM
  • plus précisément, cette décision fait suite à l'évaluation de nouvelles données qui mettent l'accent sur l'efficacité modeste de ces médicaments dans la prise en charge du diabète de type 2, et qui confirment le risque d'atteinte des valves cardiaques.

En pratique, lors de la suspension de l'AMM, les recommandations étaient ainsi : Pour les patients actuellement traités par benfluorex, il est recommandé, après l'arrêt de ce médicament :

  • d'ajuster si besoin le traitement antidiabétique;
  • de rechercher d'éventuels signes ou symptômes évoquant une atteinte valvulaire et, si nécessaire, de demander des examens complémentaires, voire une consultation spécialisée.

Pour les patients ayant été traités par benfluorex dans le passé

  • une consultation médicale systématique, visant spécifiquement à dépister une valvulopathie, n'était pas justifiée ;
  • mais, par mesure de précaution, il était recommandé de procéder à un interrogatoire et un examen clinique à la recherche de symptômes ou de signes évocateurs d'une valvulopathie
Quelles sont précisément les informations qui ont tout précipité ?

La pharmacovigilance s'était mise en place en 1990, quand les complications d'un des métabolites (= produit de transformation dans l'organisme), commun à Isoméride ® et Pondéral ®, retirés en 97, ont été connues; il y avait de plus un risque de sur-prescription comme coupe-faim de remplacement. Mais à l'époque, ces effets secondaires connus étaient l'HTAP, et il n'y en n'avait pas plus chez les traités que chez ceux qui ne l'étaient pas.Les nouvelles données qui ont entrainé une réévaluation en mai 09

  • des notifications spontanées de valvulopathie dans les déclarations, plus un cas signalé dans un article, et 5 cas d'HTAP.
  • l'hôpital de Brest, en exploitant ses données informatisées, a retrouvé une incidence augmentée de valvulopathies,
  • et l'hôpital d' Amiens, en étudiant des dossiers d'échocardiographie, a retrouvé lui aussi 45 cas entre 1976 et 2009, chiffre plus important que prévu.
  • une étude cas-témoin sur 426 insuffisances mitrales, dont 22 inexpliquées : la recherche de la prise de benfluorex a montré un surrisque significatif de 1 à 40 entre le patient non traité, qui a une probabilité faible d'avoir une insuffisance mitrale, et un patient traité ; il a donc été décidé de suspendre l'AMM.
  • en même temps, l'étude "Regulate" du laboratoire Servier lui-même, débutée avant la mise en place du système d'alerte officiel de pharmacovigilance, qui le comparait avec un autre traitement du diabète, avec des échographies systématiques dans les éléments du suivi, a montré l'apparition d'une insuffisance mitrale avec une fréquence significative sur un an de traitement; les résultats ont été portés à la connaissance de l'AFSSAPS (2) en septembre 09
  • parallèlement, la CNAMTS (3), en étudiant les soins pour ce motif chez un million de diabétiques, a montré un sur-risque modéré, de 2 à 4, de valvulopathie, avec ou sans chirurgie de remplacement, selon qu'ils prenaient le Mediator® ou pas.
  • le laboratoire tient par ailleurs à préciser que, en-dehors de tout traitement, on retrouve déjà sur les échographies systématiques de ces mêmes études des anomalies valvulaires chez un patient diabétique sur deux, et les chiffres annoncés de sur-risque sont des extrapolations statistiques et non pas des cas documentés

Conclusion : En fonction de ces données toutes récentes, les recommandations aux médecins ont changé : ils doivent convoquer pour examen clinique et examens complémentaires (l'échocardiographie est le principal ) tous leurs patients qui ont été traités par Mediator ®.Lexique :

  • Valvulopathie : c’est une atteinte, par maladie ou anomalie congénitale, d’une valve cardiaque ; une valve cardiaque est un « portail fait de 2 à 3 valvules, entre une oreillette et le ventricule dans lequel est éjecte activement le sang, récupéré passivement via des veines.
  • AFSSAPS : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé, qui chapeaute les autorisations et les évaluations de tous les médicaments et dispositifs médicaux
  • CNAMTS : Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés

Pour plus d'information sur ce(s) médicament(s), nous vous recommandons de consulter le site de l'ANSM -->http://ansm.sante.frAuteur : Dr Cazivassiliol’auteur n’a pas transmis de conflits d’intérêts concernant les données publiées dans cet article et les références citées. Cet article a été une synthèse de ce que l'on pensait savoir en fin d'année 2010, mais les nombreuses déclarations et révélations qui ont suivi incitent à la plus grande prudence, c'est pourquoi nous avons préféré ne pas le modifier, mais rester disponibles pour les explications au cas par cas.

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