Dépendance : Comment en reconnaître les signes ?

Un jeune homme torse nu, la tête penchée vers le bas. Il semble anxieux.
La dépendance — souvent appelée addiction — désigne une perte de contrôle vis-à-vis d’une substance (alcool, tabac, drogues) ou d’un comportement (jeux d’argent, réseaux sociaux, alimentation, travail, etc.), aboutissant à des conséquences négatives pour la personne. Qu'elle concerne l'entourage ou soi-même, reconnaître les signes d'une dépendance n'est pas toujours facile. Comme elle s'installe de façon très progressive et insidieuse, les conséquences négatives tardent à être vues. Pourtant, en décelant certains changements de comportement ou d'apparence, il est possible de donner l'alerte, de demander de l'aide, d’éviter la chronicisation et d’améliorer les chances de rétablissement.

Quand parle-t-on de dépendance ?

On parle de dépendance quand le besoin de répéter la consommation vient satisfaire un manque, une envie et se reproduit de plus en plus souvent. Au départ, la consommation plus ou moins occasionnelle se fait « usage », puis se transforme en « abus » quand elle commence à avoir des conséquences négatives.  

Le stade de dépendance est le stade ultime pendant lequel le besoin de consommer prend toute la place dans la vie de l'addict qui a pourtant conscience des problèmes qu’il lui pose au quotidien (santé, financier, relationnel, etc.).

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Dépendance ou usage problématique ?

Il est utile de préciser la notion de dépendance dans le cadre actuel :

  • usage occasionnel ou récréatif : consommation ou pratique modérée, sans impact majeur sur la vie quotidienne ;
  • usage problématique : utilisation croissante malgré des signaux d’alerte (tensions familiales, baisse de performance professionnelle), mais sans remplir tous les critères de dépendance.
  • dépendance (addiction) : perte de contrôle, besoin impérieux de consommer ou d’adopter le comportement, persistance malgré des conséquences négatives marquées, avec souvent tolérance et symptômes de sevrage.

Le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) regroupe les addictions aux substances sous la dénomination de « troubles liés à l’usage de substances » et inclut également certaines addictions comportementales (par exemple le jeu pathologique). Ce cadre diagnostique, basé sur 11 critères, permet de déterminer la sévérité :

  • de 2 à 3 critères sur 11 : forme légère ;
  • de 4 à 5 critères : forme modérée ;
  • de 6 ou plus : forme sévère.

Tableau récapitulatif des 11 critères de diagnostic du trouble lié à l’usage de substances (Substance Use Disorder) selon le DSM‑5 :


Critère Secteur 1
1 Prendre la substance en plus grandes quantités ou plus longtemps que prévu.
2 Envie persistante ou tentatives infructueuses de réduire ou d’arrêter la consommation.
3
Temps important passé à obtenir, consommer ou récupérer des effets de la substance.
4 Craving : fortes envies ou besoins impérieux de consommer la substance.
5 Incapacité à remplir ses obligations professionnelles, scolaires ou familiales à cause de l’usage.
6 Poursuite de la consommation malgré des problèmes sociaux ou relationnels causés par celle-ci. 
7 Abandon ou réduction d’activités sociales, professionnelles ou récréatives en raison de l’usage. 
8 Consommation dans des situations dangereuses (conduite, manipulation de machines, etc.). 
9 Poursuite de la consommation malgré la connaissance d’un problème physique ou psychologique causé ou aggravé par la substance. 
10 Tolérance : besoin de quantités de plus en plus importantes pour obtenir l’effet désiré, ou diminution notable de l’effet avec la même dose. 
11 Sevrage : apparition de symptômes de sevrage spécifiques à la substance, ou usage de la substance pour soulager ou éviter ces symptômes. 

À quoi peut-on être dépendant ?

On peut être dépendant à :

  • les drogues (cocaïne, héroïne, cannabis...) ;
  • à un comportement.  

Qu'il s'agisse des jeux en ligne, du casino, des réseaux sociaux, d'achats compulsifs, de nourriture, ou de sexualité, l'addiction règne dans la vie de la personne en lui imposant de recommencer sans cesse.

Quels sont les signes de la dépendance ?

En fonction de l'intensité de la dépendance, les signes surviennent de façon plus ou moins intense avec des conséquences dans la vie privée et/ou professionnelle. Dans les cas les plus graves, c'est toute la vie quotidienne et qui est centrée sur l'addiction et la recherche de satisfaction.  

Les signes psychiques de la dépendance

Le craving ou besoin impérieux

Le craving (envie irrépressible) est un marqueur central : la personne ressent un besoin intense de consommer la substance ou de pratiquer le comportement. Ce désir peut survenir de façon spontanée ou en réponse à un stimulus (lieu, émotion, situation) et devient difficile à repousser. En cas de craving fréquent, il y existe un fort risque de rechute si la personne tente d’arrêter.

La perte de contrôle et échecs répétés

La personne fait plusieurs tentatives infructueuses pour réduire ou arrêter sa consommation ou sa pratique. Malgré la conscience des conséquences négatives, elle est incapable de limiter la quantité, la fréquence ou la durée. Ce critère se manifeste par des promesses non tenues à soi-même ou à l’entourage.

Préoccupation mentale

Une grande part de la pensée quotidienne est occupée par la substance ou le comportement : planification de la prochaine consommation ou session, anticipation du moment de « prendre sa dose », stress si l’objet de la dépendance n’est pas accessible. Cette remarque s’applique tant aux substances (alcool, cocaïne) qu’aux comportements (jeux vidéo, réseaux sociaux, achats compulsifs).

Les signes comportementaux

Temps consacré et négligence d’activités importantes

Un critère clé est le temps considérable passé à obtenir, consommer, récupérer d’une substance ou à se livrer au comportement addictif. Ce temps nuit aux obligations professionnelles, scolaires ou familiales : retards répétés, absentéisme, échecs scolaires ou perte de productivité au travail.

De plus, la personne peut abandonner ou réduire des activités sociales, professionnelles, sportives ou de loisirs, autrefois appréciées, en faveur de la dépendance.

Poursuite malgré les conséquences négatives

Malgré des problèmes relationnels, financiers, judiciaires ou de santé, l’usage persiste. Par exemple, continuer de boire malgré un conflit conjugal ou des difficultés au travail liées à l’alcool ; poursuivre le jeu malgré des dettes ; rester des heures sur les écrans malgré le constat de troubles du sommeil ou de la vision.

Usage dans des situations dangereuses

La consommation ou le comportement continue dans des contextes à risque : conduire sous l’influence d’une substance, manipuler des machines ou prendre des décisions importantes (par exemple négocier un contrat) en état d’euphorie provoquée ; exposition à des situations potentiellement dangereuses pour satisfaire le craving.

Les signes physiques et physiologiques

Tolérance

La tolérance se manifeste par la nécessité d’augmenter les doses ou la fréquence pour obtenir les mêmes effets ressentis initialement. Par exemple, boire de plus en plus d’alcool pour ressentir l’euphorie, ou passer davantage de temps sur une plateforme digitale pour éprouver la satisfaction antérieure. La tolérance reflète une adaptation neurobiologique de l’organisme ou du cerveau, nécessitant un usage croissant pour maintenir l’effet.

Sevrage ou syndrome de manque

À la réduction ou l’arrêt de la substance ou du comportement, surviennent souvent des symptômes désagréables (sevrage) :

  • tremblements ;  
  • irritabilité ;  
  • anxiété importante avec parfois des attaques de panique ;  
  • sueurs (par exemple sevrage alcoolique ou opioïde) ;  
  • grande fatigue.
  • agitation, irritabilité ;  
  • humeur dépressive ;  
  • insomnie ou cauchemars ;  
  • émotions fortes de vide ou d’ennui lorsque l’accès est empêché (par exemple une coupure d’accès aux jeux en ligne) ;  
  • hallucinations ;
  • transpiration excessive ;
  • difficultés de concentration ;
  • troubles du sommeil ;
  • douleurs physiques.

Les symptômes de sevrage peuvent pousser la personne à reprendre la consommation pour éviter l’inconfort.

Comment reconnaître une personne dépendante ?

L'addiction n'épargne personne et peut concerner aussi bien les hommes que les femmes, à n'importe quel âge. Plus tôt elle est détectée, et plus il sera possible d'agir pour l'aider. Certains éléments peuvent alerter quant à une consommation problématique, voire même une addiction déjà installée :

  • changement d'apparence extérieur et d'environnement avec un manque d'hygiène corporelle, une mauvaise haleine, une perte de poids, ou un logement laissé à l'abandon
  • Un absentéisme régulier au travail, un désinvestissement ou un manque de ponctualité
  • fortes variations d'humeur, une irritabilité
  • propos incompréhensibles et incohérents, des problèmes d'élocution
  • troubles de la mémoire et de la concentration
  • plaintes au sujet de maux de tête, d'insomnie, de culpabilité, d'angoisse ou de solitude
  • isolement social et familial
  • problèmes financiers, des emprunts, des dettes
  • changement d'aspect physique avec une perte ou une prise de poids.

Que faut-il faire en cas de dépendance ?

Qu’elle vous concerne ou une personne de votre entourage, pour traiter la dépendance, la motivation ne suffit pas. Même en ayant conscience de la nocivité du comportement, l'addiction oblige la personne prisonnière à recommencer. Seule l'aide d'un professionnel, médecin traitant, psychiatre ou addictologue permet de se sevrer d'une dépendance de façon durable, en évitant de remplacer une addiction par une autre.  

Dans certains cas, un traitement substitutif peut être proposer pour éviter les symptômes de manque physique. Depuis quelques années, les Centres de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA), structures présentes dans chaque département, regroupent des professionnels de santé (médecins, addictologues, psychiatres, infirmiers…) à l'écoute des personnes dépendantes et de leur entourage, quel que soit l'addiction concernée.

L’avis des experts de MédecinDirect

Reconnaître les signes d’une dépendance est une étape importante, tant pour les personnes concernées que pour leur entourage. Trop souvent, les troubles liés à l’usage de substances ou les addictions comportementales sont minimisés, mis sur le compte du stress, ou perçus comme un manque de volonté. Pourtant, il s’agit bien d’un trouble neurobiologique, avec des mécanismes cérébraux identifiés, impliquant les circuits de la récompense, de la mémoire et du contrôle.

Ce qui doit alerter, c’est la perte de contrôle, le temps consacré à la substance ou au comportement, les conséquences négatives persistantes sur la santé, les relations ou la vie professionnelle, et surtout, la poursuite malgré la conscience du problème. Nous ne parlons pas d’un simple excès ponctuel, mais d’un trouble qui modifie durablement les comportements, les priorités, et parfois la personnalité.

Il est important de rappeler que des solutions existent. Aujourd’hui, la prise en charge des addictions repose sur une approche bienveillante : soutien psychologique, thérapies cognitivo-comportementales, prise en charge médicale si nécessaire, groupes de parole, accompagnement social… Nous voyons chaque jour des patients qui reprennent le contrôle de leur vie, parfois après des années de lutte.

Dès qu’un doute s’installe – que ce soit chez vous ou un proche – n’attendez pas que les conséquences s’aggravent. Le meilleur réflexe est de consulter un médecin ou un addictologue. Il ne s’agit pas de juger, mais d’évaluer, d’informer et de proposer une prise en charge adaptée. La dépendance est une maladie, pas une faute. Et comme toute maladie, plus elle est traitée tôt, meilleures sont les chances de rémission.

EN BREF
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