Comme ceux du 11 septembre 2001, les attentats de Paris du 13 novembre ont suscité une forte mobilisation de donneurs de sang, volontaires, bénévoles et anonymes, pour faire face aux besoins exceptionnels

En effet, dans la semaine du 14 au 21 novembre 2015, les dons ont progressé de 280 % par rapport à l'année précédente ! Face à cet engouement et cet engagement, l’Établissement Français du Sang (EFS) a appelé les donneurs à différer leur don. Certains ont été surpris, parfois même choqués, d’apprendre que l’on ait pu, au lendemain des attentats, refuser leur sang en leur demandant de surseoir à leurs dons.

Que devient le sang du don ?

Il faut, pour comprendre, savoir que le système transfusionnel est une chaîne complexe, qui va de l’interrogatoire du donneur et du prélèvement jusqu’à la séparation des différents composés du sang total (globules rouges, plaquettes, plasma) et leur conditionnement, en passant par leur caractérisation et qualification biologique ainsi que la réalisation de nombreux examens sérologiques, virologiques et immuno-hématologiques. C’est un processus assez long qui ne souffre d’aucun assouplissement, la priorité demeurant la sécurité absolue du receveur.Les responsables transfusionnels doivent en outre tenir compte du caractère périssable du composant le plus utilisé en thérapeutique : la durée de conservation des globules rouges est de 42 jours. Donc, il est dès à présent important d’anticiper afin que les niveaux des stocks permettent de répondre à l’ensemble des besoins à venir. La mobilisation des donneurs doit se poursuivre dans les prochains jours et les prochaines semaines, la fin du mois de décembre étant une période compliquée par les vacances scolaires et les épidémies de grippe et de gastro-entérite.Pareillement, pendant l’été, les donneurs sont moins mobilisés alors que les besoins des malades restent les mêmes. Car en matière de collecte de sang, l'important est d'avoir des dons réguliers tout au long de l'année, l'idéal étant d'atteindre une moyenne annuelle de 10 000 dons par jour.Si pour l'heure les réserves sont suffisantes, le mouvement doit également se poursuivre en respectant une logique d'étalement des dons, car tous ceux qui donnent aujourd'hui ne pourront plus donner en sang total pendant deux mois.

À quoi va servir votre don de sang ?

La réponse pourrait être très courte : pour sauver des vies ! La transfusion des globules rouges permet de pallier la perte de sang en cas de manque de globules rouges importante. Pour soigner les maladies du sang (leucémie, aplasie médullaire) et en cancérologie, on utilise les plaquettes et les globules rouges. Le plasma sert à la fabrication d’immunoglobulines et de nombreux médicaments pour les malades souffrant de déficit immunitaire grave ou pour les hémophiles.

Qui sont les receveurs des produits sanguins ?

Plusieurs situations nécessitent une transfusion :

• Transfusion dans les affections malignes (cancers et leucémies) : un tiers des transfusés, utilisant un peu plus de la moitié des produits sanguins.
• Transfusion lors des saignements importants : environ 20 % des transfusés, utilisant près de 15 % des produits sanguins.
• Transfusions dans les interventions chirurgicales (cardiaque et orthopédie) : près de 40 % des transfusés, utilisant environ le quart des produits sanguins.
• Transfusion dans les unités de soins intensifs (réanimation) : 5 à 10 % des transfusés, utilisant un peu moins de 5 % des produits sanguins.
• Transfusion lors de l’accouchement : moins de 2 % des transfusés, utilisant 1 % des produits sanguins.
• Transfusion chez le nouveau-né (prématurés en soins intensifs) : moins de 1 % des transfusés, utilisant moins de 1 % des produits sanguins.

Quelques dates-clés :

• 1492 : « Transfusion » du pape Innocent VIII.
• 1628 : William Harvey établit la théorie de la circulation du sang.
• 1667 : Premières expériences sur l’homme par un jeune médecin parisien, J.B. Denis.
• 1902 : Karl Landsteiner découvre à Vienne les groupes sanguins.
• 1914 : Première transfusion directe pendant la Première Guerre mondiale dans l’armée française.
• 1923 : Ouverture à l’hôpital Saint-Antoine de Paris du premier centre de transfusion sanguine.
• 1928 : Adoption de la nomenclature A, B, O pour le typage des groupes sanguins.
• 1949 : Première antenne de collecte mobile.
• 1950 : Création de la Fédération nationale des donneurs de sang bénévoles.
• 1970 : Premières poches plastique pour la collecte de sang, qui remplacent les flacons de verre.
• 1985 : Obligation du dépistage du VIH dans les poches sanguines en France.
• 1993 : Création de l’Agence Française du Sang.
• 2000 : Création de l’EFS.

Et chaque année le 14 juin : journée mondiale annuelle des donneurs de sang.

Quelques chiffres-clés :

• Environ 1 million de malades sont transfusés par an en France.
• 80 % de la population trouve cet acte important, mais seulement 4 % donne son sang.
• Les femmes représentent environ 51 % des donneurs.
• Concernant les classes d’âge, 42 % des dons sont effectués sur les 18-39 ans, alors que les dons réalisés par les 50-64 ans représentent 53 %.
• 10 000 dons de sang sont nécessaires chaque jour. 114 malades reçoivent des produits sanguins chaque heure.
• La durée de conservation des globules rouges est de 42 jours.
• La courte durée de vie des plaquettes (5 jours) rend indispensable la régularité des dons pour faire face aux besoins.
• Quant au plasma, qui peut être congelé, il peut être préservé pendant un an à -25°C.
• Le volume moyen prélevé pour un don de sang total est de 450 ml. Le prélèvement en lui-même ne dure que 10 minutes. De votre arrivée à votre départ, il faudra compter 45 minutes.
• Nombre de dons de sang possibles par an : Un homme peut réaliser un don de sang total 6 fois par an ; une femme peut donner son sang 4 fois par an. Il faut respecter un délai de 8 semaines entre chaque don de sang total.
• Pour le plasma, un homme ou une femme peut réaliser un don 24 fois par an. Il faut ainsi veiller à respecter un délai de 2 semaines entre chaque don de plasma.

Les conditions pour donner son sang :

• Être âgé de 18 à 70 ans et peser au moins 50kg.
• Ne pas avoir été soi-même transfusé.
• Être en bonne santé.
• Ne pas venir à jeun pour donner son sang et bien s’hydrater avant et après le don.
• Se munir d’une pièce d’identité pour un premier don.
• Être reconnu apte au don par le médecin de l’EFS.

Tous les groupes sanguins sont recherchés. Il est essentiel de signaler les traitements en cours, ainsi que les voyages effectués. Il existe des cas particuliers qui contre-indiquent le don de sang, et il ne faut voir aucune discrimination dans le fait d’être écarté (temporairement ou non) de ce don afin de mieux assurer la sécurité des receveurs et la pérennité d’un système « hors commerce » fondé depuis un demi-siècle en France sur le bénévolat, le volontariat, la gratuité et l’anonymat.

Les 4 étapes du don de sang :

1. L’inscription : enregistrement de votre dossier et remplissage du questionnaire.
2. L’entretien prédon : entretien confidentiel et examen médical avec un médecin/personnel habilité de l’EFS afin de vérifier votre aptitude au don dans le respect de votre sécurité et de celle du receveur.
3. Le prélèvement : par une infirmière qualifiée ne dure qu’environ 10 minutes.
4. Le temps du repos et de la collation : après le don, vous restez sous surveillance médicale dans un espace de repos où une collation vous est offerte.

Quelle éthique pour le don de sang ?

Le don du sang a une éthique à laquelle il se réfère strictement.

• Anonymat : du donneur ou du receveur. Pas plus que la salvatrice ne connaîtra le visage de l’être sauvé grâce à elle, il ne connaîtra le sien.
• Bénévolat : don gratuit ; l’absence de contrepartie participe à la sécurité transfusionnelle.
• Volontariat : acte librement consenti, sans aucune sorte de contrainte.
• Non-profit : tarif d’une poche fixé par l’Etat.
• Sécurité : le bénévolat, l’entretien prédon, la traçabilité, les tests biologiques, le professionnalisme des équipes de l’EFS concourent à la sécurité des donneurs et des produits transfusés aux malades.
• Hygiène : matériel stérile et à usage unique.
• Qualité : respect des bonnes pratiques transfusionnelles et réalisation de nombreux contrôles.

L’EFS est un établissement unique et original : construit sur un modèle éthique, il allie économie sociale et institutionnelle, techniques industrielles et contraintes marchandes pour répondre aux besoins des malades.

À vous d’agir maintenant !

Aujourd’hui, il n’existe pas de produit capable de se substituer au sang humain, votre don de sang est donc irremplaçable et indispensable. Lors des récents attentats, chacun d’entre nous a connu sans doute, dans son entourage, quelqu’un qui a eu besoin d’être transfusé ! Participer au don de sang, c’est participer à un altruisme qui est aussi un moyen thérapeutique d'affronter le traumatisme. C’est un geste de solidarité incontournable à la fois très concret et doté d’une forte charge symbolique. C’est faire, d’un acte de solidarité, une thérapeutique indispensable à la santé et à la vie de nombreux malades.C’est également participer à la constitution d’une banque collective de produits sanguins dont chacun peut avoir recours. Et pour le contribuable, c’est le seul prélèvement indolore ! Si vous ne pouvez pas ou plus donner, n’hésitez pas à encourager vos proches à le faire. C’est une plongée dans un univers empreint d’humanisme, de passion et de dévouement. La transfusion sanguine n’existe que parce qu’une partie de l’Humanité accepte de donner son sang, c’est-à-dire un peu d’elle-même, pour venir en aide à une autre. Dans l’idéal, chaque donneur devrait faire don de sang deux fois par an pour que la situation soit moins tendue.

Vous ne donnez que peu lorsque vous donnez vos biens. C’est lorsque vous donnez de vous-mêmes que vous donnez réellement. - Khalil Gibran, Le Prophète, 1923.

Le don du sang, où le faire ?

« Y penser, c’est naturel….Le faire, c’est essentiel ! ». Pour savoir où donner votre sang, retrouvez la carte de France des centres de collectes. Pour connaître la collecte de sang la plus proche de chez vous et tout savoir sur le don de sang : www.dondusang.netAuteur : Dr RosuneeConflits d’intérêts : L’auteur n’a pas transmis de conflits d’intérêts concernant les données diffusées dans cette interview ou publiées dans la référence citée. Cet article est issu d’une expérience de terrain, il existe d’autres produits, et d’autres protocoles de prise en charge.